Les « loups combattants » : c’est ainsi que Pékin nomme une nouvelle catégorie de diplomates. Des diplomates en poste dans de grandes capitales occidentales et qui n’hésitent pas à hausser le ton, voire à pratiquer l’invective, contre ceux qui sont trop critiques, à leurs yeux, envers Pékin. Lu Shaye, l’ambassadeur chinois à Paris, fait partie de ces diplomates offensifs : « l’ambassadeur qui fait dérailler la diplomatie entre Paris et Pékin », titre Le Figaro. « À force de hurlements, le "loup combattant" chinois a fini par exaspérer Paris, pointe le journal, et par toucher une corde sensible de la diplomatie française. Les invectives et les injures lancées par l’ambassadeur de la République populaire de Chine en France ont logiquement abouti à un recadrage hier au Quai d’Orsay. (…) L’ambassade s’était déchaînée ces derniers jours contre Antoine Bondaz, chercheur unanimement respecté à la Fondation pour la recherche stratégique et l’un des meilleurs connaisseurs de la Chine en France, auquel elle reproche ses positions "antichinoises". » L’ambassade qui avait publiquement traité le chercheur français de "petite frappe", de "hyène folle", ou encore de "troll idéologique".

Pékin décomplexé…

En fait, analyse Le Figaro, « Pékin ne prend plus de gants. De Paris à Anchorage, la Chine communiste lâche désormais ses coups, face aux États-Unis et l’Europe. Par la voix de ses "loups combattants", elle aboie sur ses plus gros partenaires économiques, avec le ton impérieux qu’elle emploie déjà depuis longtemps envers des voisins moins puissants, sûre de son poids et de sa destinée historique. "L’UE n’a pas le droit de faire de leçon à la Chine sur les droits de l’homme. Elle doit méditer sur ses erreurs et les corriger", a ainsi récemment tempêté le régime marxiste-léniniste, appelant l’Europe à faire son autocritique comme doit s’y résoudre un simple apparatchik. »

Au centre du conflit : le sort des Ouïgours

L’un des points de crispation, relève La Charente Libre, c’est « le sort réservé à la minorité ouïgoure au Xinjiang qui a fourni cette semaine matière à sanctions et échanges musclés des deux côtés de l’hémisphère. L’Occident dénonce des camps d’internement et de travail forcé là où l’Orient ne veut y voir que formation professionnelle et planification. En résumé, les Chinois répondent à toute critique qu’ils n’ont de leçons à recevoir de personne et qu’ils sont maîtres chez eux. Une évidence qu’un nouveau rapport de force installe un peu plus chaque jour. La pandémie mondiale n’a fait qu’accélérer l’ambition hégémonique de la Chine face au déclin annoncé des maîtres de l’ancien monde, incapables de produire par eux-mêmes de simples masques. »

Deux blocs face à face

Et puis « deux phénomènes sont ici à l’œuvre, précise La Croix. D’une part, un climat d’exaspération des débats publics où il est de plus en plus difficile de s’opposer sans s’invectiver, comme s’il était devenu impossible de trouver un terrain commun. D’autre part, une montée très réelle des conflits d’intérêts et des rivalités stratégiques à l’échelle mondiale où s’affrontent États-Unis et Europe dans un camp, Chine et Russie dans l’autre. Les deux phénomènes ne sont peut-être pas indépendants l’un de l’autre. On peut au contraire se demander s’ils ne se nourrissent pas mutuellement. Il faut y prendre garde, prévient La Croix. Cette escalade est extrêmement dangereuse. »

Guerre froide…

Et en effet, il y a « comme un parfum de guerre froide », relève Libération. « La Chine a trouvé un allié dans la Russie de Vladimir Poutine, elle aussi visée par des sanctions européennes pour ses interventions en Ukraine et pour sa répression des manifestations démocratiques. Poutine connaît lui aussi les divisions au sein de l’Union, et il en joue, sachant qu’un pays comme l’Allemagne n’a aucune envie d’entrer en conflit avec Moscou comme en témoigne sa volonté d’achever, en dépit des pressions américaines, le gazoduc Nord Stream 2. » Et « si la Russie avait été ménagée par l’administration Trump, poursuit Libération, ce n’est plus le cas depuis l’élection de Joe Biden qui n’a pas hésité à qualifier Poutine, la semaine dernière de "tueur" qui "paiera" le prix de ses actes… Autant dire, conclut Libé, que pour la première fois depuis longtemps, Moscou et Pékin se retrouvent du même côté de la barrière. »