C’est la question du jour dans les journaux ce lundi. Ce fameux article 24 de la loi sur la sécurité globale, actuellement en chantier, pénalise, rappelons-le, la diffusion malveillante de l’image des forces de l’ordre. Et rencontre l’hostilité d’une bonne partie de l’opinion et du monde politique.

Qui plus est, pointe Le Figaro, « dans le prolongement des manifestations de samedi partout en France, la revendication ne porte plus sur le seul article 24, mais sur l’ensemble du texte. […] Mauvais signe pour l’exécutif, c’est toute la gauche qui fait bloc sur le sujet […]. À droite, où l’on soutenait plutôt le texte, on ne se fait plus d’illusions sur son avenir, à commencer par l’article 24 "déjà enterré par le gouvernement", selon Xavier Bertrand. Au sein même de la majorité, on évoque d’ailleurs l’hypothèse. »

Pour sa part, le gouvernement persiste et signe, relève encore Le Figaro : « "Le retrait de l’article 24 n’est pas à l’ordre du jour, assure un proche du ministre de l’Intérieur. Il n’est pas question de l’enlever à ce stade". Gérald Darmanin le défendra ce lundi devant la commission des lois de l’Assemblée nationale. »
Délitement
Alors, au-delà de ce bras de fer législatif et sociétal, on ne peut que constater « le grand délitement » qui lézarde la France, analyse Le Figaro : « L’article 24, en réalité, devrait moins occuper nos esprits que la crise de l’autorité qui ébranle notre pays, estime le quotidien de droite. Le policier qui déshonore son uniforme, le casseur qui souille sa manifestation en sont les plus graves symptômes. Mais les lâchetés publiques face à la violence ordinaire, la faillite de l’école, la dislocation des sociabilités, la bureaucratie ne sont pas moins coupables. Quand l’autorité ne repose plus que sur le décret, conclut Le Figaro, elle recueille l’indiscipline dans les faits. »

Changer de cap ?

Les Echos insistent sur l’intransigeance du président. Pour lui, pas question de changer de cap : « Comme le mot "impasse" est banni de son univers, Emmanuel Macron veut agir, et vite, pointe le quotidien économique. Recevoir Michel Zecler (le producteur de musique agressé par des policiers la semaine dernière), comme le suggèrent des proches, mais aussi tenter de conserver l’article 24 ; réformer l’IGPN (l’Inspection générale de la police nationale), mais ne pas remplacer Darmanin. Et agir sur le reste, en présentant notamment la stratégie vaccinale. Le vaccin, double sauveteur, s’exclament Les Echos : du Covid et de l’impasse politique. »

Non, pour Libération, l’exécutif joue la montre et ça n’est pas un bon calcul.  « Après la mobilisation massive à travers la France samedi, le gouvernement continue de laisser la situation s’enliser plutôt que d’envisager un retrait de l’article 24 qui affaiblirait Gérald Darmanin. […] En s’entêtant à ne rien lâcher, ni l’article 24 ni son ministre de l’Intérieur, Emmanuel Macron fait sciemment le choix du pourrissement. Un calcul politique hasardeux, dont on voit mal la cohérence avec l’appel à restaurer la "confiance" lancé par le chef de l’État. »
Confiance rompue
« Quelle plus grande insécurité que vivre dans un pays où les citoyens n’ont plus confiance en leurs gardiens de la paix ? s’interroge L’Humanité. Gérald Darmanin est allé tellement loin que sa loi vire déjà à la crise politique. […] Pourtant, Emmanuel Macron, à qui incombe la responsabilité de retirer ce texte, se contente jusqu’ici de couvrir son ministre et d’assurer le service minimum. Le président, déplore encore le quotidien communiste, si prolixe pour expliquer aux Français comment aérer leur intérieur, se montre beaucoup plus avare pour dénoncer les violences policières et s’exprimer sur ce projet de loi absurde et dangereux. »

En fait, dénonce Mediapart, « au-delà des réécritures dont fera l’objet le texte sur la sécurité globale au cours des prochaines semaines, au-delà même des propositions que Gérald Darmanin pourrait commencer à évoquer ce lundi, une question hante les soutiens les plus mal à l’aise d’Emmanuel Macron : comment croire encore à ce qu’il dit quand tant de promesses ont été reniées ? […] Depuis trois ans, les libertés fondamentales et les droits individuels n’ont cessé de reculer, estime Mediapart. Et beaucoup, malgré les dénégations du pouvoir, l’ont désormais compris. »