« Chaos » : c’est le mot qui revient le plus souvent ce matin dans les titres et les commentaires de la presse. Chaos, hier à l’aéroport de Kaboul, où des milliers de civils afghans ont afflué pour tenter de quitter le pays. Chaos pour un tout un peuple qui retombe vingt ans en arrière…

En effet, soupire Libération, « les déclarations relativement apaisantes des différents chefs talibans ne doivent leurrer personne. C’est bien une nouvelle chape de plomb qui va rapidement étouffer la frange la plus progressiste, urbaine, jeune de la société afghane. Premières victimes parmi ces victimes de chair et de sang : les femmes, renvoyées dans la pénombre de vies où leurs droits à l’éducation, à exercer un travail, à porter d’autres vêtements que la burqa intégrale seront inévitablement bafoués. »

Le Monde renchérit : « l’interrogation principale porte évidemment sur le sort des Afghans, qui vont vivre pour la seconde fois sous le règne des islamistes radicaux. On peut craindre le pire pour les civils, les femmes, les fonctionnaires, qui ont cru, depuis deux décennies, en un pays différent. Le précédent règne taliban, de 1996 à 2001, fut une horreur absolue pour les Afghans. »
Un nouveau creuset pour al-Qaïda ?
Par ailleurs, pointe encore Le Monde, « une autre interrogation porte sur la raison qui fut au cœur de l’engagement international de 2001 : les talibans vont-ils redevenir des hôtes pour Al-Qaida ? Ils se sont engagés, lors des négociations avec l’administration Trump sur un retrait militaire américain, à ce que ce ne soit plus le cas, mais, à ce jour, leur lien avec le mouvement djihadiste demeure. »

Et le quotidien du soir de rappeler qu’ « après le retrait américain d’Irak en 2011, le mouvement djihadiste irakien avait regagné une telle vigueur qu’il avait fallu réengager des troupes quelques années plus tard pour combattre l’organisation Etat islamique. Nul doute que Joe Biden a ce précédent à l’esprit, relève Le Monde, et que, au-delà de la déroute spectaculaire des alliés afghans de Washington, il doit prier pour ne pas avoir à renvoyer des soldats en Afghanistan, dans quelques mois ou quelques années, pour y combattre une nouvelle génération de djihadistes internationaux. »
Joe Biden sous le feu des critiques
Joe Biden vertement critiqué par Le Figaro : « vingt ans après le cataclysme du 11 Septembre, le président des États-Unis va devoir assumer l’image dévastatrice du drapeau taliban jetant son ombre sur l’ambassade américaine au cœur de Kaboul. À ce symbole de capitulation s’ajoutent déjà les scènes d’un 'Saïgon sous stéroïdes' - évacuation chaotique, documents brûlés à la hâte, armes saisies par l’ennemi -, 'la pire humiliation' depuis la chute de la capitale sud-vietnamienne en 1975. Cette débâcle était parfaitement évitable, assène Le Figaro. Elle ne scelle pas la fin d’une occupation brutale contre laquelle le peuple afghan se serait soulevé. Une grande partie de la population a plus peur des 'libérateurs' que des envahisseurs, comme en témoignent ceux qui s’accrochent à la carlingue des avions au décollage. Joe Biden aurait pu baliser le retrait de conditions politiques et de préparatifs logistiques. Il a présumé de sa puissance en décrétant la fin de la guerre : la guerre continue, il s’en lave les mains. »
Incurie washingtonienne…
« Stupéfaction et honte », soupire La République des Pyrénées. « Joe Biden portera seul pour l’histoire la marque infamante d’un abandon d’une population qui a pu croire et espérer un autre avenir que la charia. (…) La superpuissance américaine aura cédé le terrain à 70.000 combattants alors que l’armée régulière locale de quelque 300.000 hommes s’est effondrée sans combattre, révélant au grand jour que les milliards de dollars engloutis dans leur formation et leur équipement n’auront servi à rien d’autre que d’enrichir un pouvoir politique dont la corruption endémique, le clanisme éhonté ont fait sombrer le pays tout autant que l’incurie washingtonienne. »

Enfin, Le Parisien enfonce le clou : « conscient des risques, le Pentagone avait convaincu in extremis Trump de retarder le retrait. Joe Biden a préféré l’accélérer. Un risque énorme qui se retourne aujourd’hui contre lui, quoi qu’il en dise. A moins de quatre semaines du 20e anniversaire du 11 Septembre, le timing est désastreux. »