« Il y a le bruit des tanks qui bousculent les frontières, les images des civils fuyant la guerre annoncée et il y a les mots des diplomates, pointe Le Parisien. Lundi soir, celui choisi par l’Élysée pour qualifier le discours tenu par Poutine à la télévision russe a frappé les esprits : "paranoïaque". Il est rare – et c’est un euphémisme – qu’un diplomate dise ça. L’expression en dit long sur le désarroi, la désillusion, la colère provoquée par un homme qui jure le matin vouloir donner une chance à la paix en acceptant un sommet et le soir même déclenche une tempête. »

« Emmanuel Macron a donc qualifié l’intervention télévisée du chef de l’État russe de "discours paranoïaque, relève Libération. Notre correspondant en Ukraine, poursuit le journal, Stéphane Siohan, y a vu "une heure de logorrhée historique stupéfiante", bientôt suivi par le correspondant à Moscou du Financial Times, Max Seddon, pour qui Poutine a "clairement fait une déclaration de guerre complètement folle". La Première ministre de la Lettonie, Ingrida Šimonytė, a observé que le président russe "rendrait honteux à la fois Kafka et Orwell", tandis que l’ancien ambassadeur français Gérard Araud, d’ordinaire placide et hyperréaliste, qualifiait le discours de Poutine de "proprement ahurissant, un délire paranoïaque dans un univers parallèle". »
Bluff ?
Alors, s’interroge Libération, « Vladimir Poutine est-il fou ? (…) On peut revenir à la fameuse "théorie du fou" chère à Richard Nixon, qui avait voulu faire croire aux dirigeants russes qu’ils avaient en face d’eux un président américain au comportement imprévisible, disposant d’une énorme capacité de destruction, et qu’il valait donc mieux lui lâcher plus de terrain qu’à un leader raisonnable. Poutine a-t-il voulu renverser les rôles ? Menant la négociation au nom d’un continent soudain menacé d’une terrible guerre, Emmanuel Macron a très peu d’éléments pour croire en cette infime possibilité. »
Un coup d’avance
Ce qui est sûr, avance Le Figaro, c’est qu’à « chaque étape de la dramaturgie qu’il a conçue, le chef du Kremlin s’est arrangé pour avoir un coup d’avance sur ses adversaires - non pas tant à Kiev qu’en Europe et à Washington. Emmanuel Macron en a fait l’amère expérience en offrant un alibi diplomatique à celui qui préparait la guerre. Inutile de se bercer d’illusions, soupire Le Figaro : l’arsenal des sanctions occidentales a lui aussi été intégré de longue date dans les calculs de Moscou. Le monde en est réduit à spéculer sur le prochain pion que déplacera le maître russe des échecs. Va-t-il s’en tenir là, comme l’espèrent les optimistes ? C’est peu probable, répond Le Figaro. On ne mobilise pas 190 000 soldats sur tout le pourtour de l’Ukraine juste pour sécuriser deux petites enclaves déjà surarmées. »
Défi majeur
Alors, constate également Le Monde, « le comportement de Vladimir Poutine lundi peut faire planer un doute sur la rationalité de son raisonnement. Mais les faits sont là : Vladimir Poutine est le maître absolu du Kremlin, et il vient de décider l’invasion d’un pays souverain. C’est la deuxième fois pour l’Ukraine, la troisième pour une ex-république soviétique cherchant à se rapprocher de l’Otan et de l’Union européenne, la Géorgie, dont l’armée russe occupe deux régions, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, depuis 2008. Cette remise en cause directe de l’ordre européen en vigueur depuis la fin de la guerre froide pose un défi majeur aux pays occidentaux et à la communauté internationale, estime Le Monde. L’expérience montre que, à moins de se heurter à la fermeté des Occidentaux, Vladimir Poutine ne s’arrêtera pas à la frontière ténue de ces deux petites républiques, qui revendiquent la totalité du Donbass. Des sanctions plus fortes s’imposent, sans attendre. »
Renforcer les capacités de défense de l’Europe
« Des sanctions qui doivent être douloureuses, renchérit L’Opinion, et d’abord pour Vladimir Poutine et ses proches. Mais à défaut d’être dissuasives, elles doivent surtout être démonstratives d’un monde libre soudé, déterminé, prêt à défendre quoi qu’il en coûte ces valeurs libérales que le Russe déclarait "obsolètes" en 2019. »

Il faut « bien sûr des sanctions massives et immédiates, insistent Les Échos. Mais elles ne seront jamais un substitut à la force. Il est d’ailleurs probable que, depuis les premières sanctions imposées en 2014, l’économie russe y soit mieux préparée. L’heure est à des décisions plus structurelles, en phase avec cette confrontation de long terme que nous promet la Russie : elles supposent de diversifier nos approvisionnements gaziers via les États-Unis et les pays du golfe. Elles imposent, surtout, de rétablir une réelle force de dissuasion militaire. Le renforcement des capacités de défense de l’Europe n’est plus un luxe mais une nécessité. »