Les journaux avaient bouclé leurs éditions hier soir avant l’entrée en guerre de la Russie. Il faudra donc attendre un peu pour les premières analyses, mais l’ensemble des commentateurs s’attendaient à cette offensive.

« L’Ukraine se prépare à une invasion russe », titre ainsi Le Figaro. « L’armée russe est cinq fois plus grande que la leur, mais les autorités de Kiev savent qu’elles n’auront pas le choix de l’esquive », commente le journal. Pendant ce temps, poursuit Le Figaro, « à l’Ouest, on ergote sur les punitions économiques (…). On ne prétendra pas qu’il serait préférable de se battre - ou d’en laisser planer l’incertitude. Les sanctions ne doivent d’ailleurs pas être si inoffensives, puisque le Kremlin se donne la peine d’annoncer une riposte "forte et douloureuse". Mais, pointe encore Le Figaro, il faut ne pas attendre de miracle de notre posture d’évitement : aux yeux de Poutine, nous n’agitons qu’un tigre de papier. »

Les Échos ne s’y trompent pas : « sanctions : la Russie imperturbable », titre le quotidien économique. « Les sanctions financières imposées par les Occidentaux auront peu d’impact. Les besoins de financement de Moscou à l’étranger sont faibles. »
Personne n’est prêt à mourir pour Kiev
D’ailleurs Les Dernières Nouvelles d’Alsace ne se font aucune illusion : « aucune sanction, aucun train de mesures aussi coercitives soient-elles n’arrêteront jamais Vladimir Poutine. Si le président russe veut avaler le Donbass, il avalera le Donbass, et de toute façon c’est déjà fait, s’exclame le quotidien alsacien. Et s’il veut engloutir l’Ukraine dans son entièreté, eh bien il avalera l’Ukraine. En Géorgie en 2008, en Crimée en 2014, il n’a pas agi autrement. L’Occident a tempêté, menacé, sanctionné, et après ? (…) Pour stopper Poutine et l’empêcher de poursuivre son jeu de dominos, poursuivent Les DNA, il faudrait être prêt à mourir pour Kiev, comme il aurait fallu être prêt en d’autres temps à mourir pour Dantzig. Et personne ne l’est. L’histoire ne se répète jamais, mais il lui arrive de bégayer et la comparaison s’arrête là : Poutine ne compte pas envahir l’Europe, il veut reconstituer le cœur d’une Russie éternelle et fantasmée. C’est un vieux projet et il est en cours d’exécution sous nos yeux. »
Et la population russe ?
Poutine a donc les mains libres… Et la population russe ? Que pense-t-elle de cette guerre ? Plusieurs journaux tentent de répondre à cette question ce matin.

À commencer par Le Monde avec ce titre : « Crise en Ukraine : le soutien sans enthousiasme de la population de Russie à Vladimir Poutine »

Le Monde qui précise : « en pleine crise ukrainienne, une certaine fatigue apparaît dans les rues de Moscou, alimentée par une grande indifférence et une méfiance populaire pour tout ce qui touche à la sphère publique. »

Même sentiment pour la spécialiste de l’espace ­postsoviétique Anna Colin Lebedev, interrogée par Libération. « Il n’y a pas, en Russie, de contestation possible des décisions du Kremlin, affirme-t-elle. Après, Poutine ne peut pas ignorer que le soutien populaire n’est pas le même qu’en 2014 : il n’y a pas d’enthousiasme aujourd’hui. La menace qu’agite le Kremlin est très loin dans la liste des préoccupations des Russes, la sympathie à l’égard des Ukrainiens est grande, la guerre n’est pas un horizon souhaité. Le pouvoir va devoir ramer pour construire l’euphorie qui avait accompagné l’annexion de la Crimée en 2014. (…) C’est une erreur de penser que les Russes soutiennent l’action de leur État, conclut Anna Colin Lebedev, mais ils préfèrent se mettre à l’écart, pour préserver la seule chose qui mérite d’être préservée – la possibilité d’avoir une vie à peu près normale. »