« Le jour d’après » : c’est le grand titre de L’Humanité… Pour Libération, c’est « le joug d’après », les derniers avions américains ont quitté le pays hier soir. Et ce mardi 31 août, « 20 ans après leur arrivée, les Américains mettent officiellement fin à la plus longue de leurs guerres. À Kaboul, les habitants se sentent abandonnés par la communauté internationale et craignent le retour de l’oppression sous le régime taliban. (…) C’est un pays entier qui bascule dans un cauchemar dont les scènes d’horreur sont déjà connues, soupire Libération. (…) Et c’est la culture qui est la première cible d’une dictature, les artistes en sont les premières victimes. (…) Les talibans ont ainsi tué cette semaine Fawad Andarabi, un chanteur folklorique, dont le seul crime était de troubler le silence que les nouveaux maîtres du pays entendent faire régner ».
Seuls au monde
En fait, résument Les Dernières Nouvelles d’Alsace, « ce matin, les Afghans sont seuls au monde. Il n’y a plus dans le pays ni soldats américains pour faire rempart ni plus personne pour les protéger de la barbarie ordinaire. Ce matin, le ciel est silencieux. Les portes de sortie sont toutes condamnées et l’espoir est mort. Les talibans sont de retour au pouvoir et avec eux resurgissent les fantômes du passé; les mains coupées, les femmes réduites à la condition d’esclaves, les pendaisons publiques, les lapidations ».
Étudiant à l’université américaine, donc apostat…
Et des milliers de personnes sont désormais prises au piège, pointe Le Monde… « Alors que plus aucun vol d’évacuation n’est prévu, de nombreux Afghans restent dans le pays, éligibles, pourtant, à trouver refuge dans un pays étranger. Par leurs activités dans le passé, ils risquent aujourd’hui le pire. »

Le Monde qui cite notamment le cas de Massoud qui « a dû quitter sa femme, enceinte de neuf mois, lorsque les talibans sont arrivés à Kaboul, le 15 août, par peur d’être arrêté et persécuté par les extrémistes islamistes. Étudiant en licence en administration des entreprises à l’université américaine de Kaboul, cet Afghan de 31 ans a eu surtout peur pour sa vie, son établissement étant vu comme un symbole de l’Occident par les talibans. En ce 31 août, alors que tous les étrangers ont quitté l’Afghanistan, aucune des tentatives organisées par les responsables de l’université américaine pour faire sortir les étudiants via l’aéroport de Kaboul n’a fonctionné ». Du coup, Massoud vit dans la clandestinité… Considéré comme apostat par les talibans, il risque la mort à chaque instant.
Un dialogue impossible ?
Alors « le moins que l’on puisse attendre des Américains aujourd’hui, estime L’Humanité, c’est qu’ils assurent l’évacuation de ceux qui leur ont rendu service mais aussi de celles et ceux qui sont menacés du fait de leur profession ou de leurs opinions. Ce que l’on peut exiger des pays occidentaux, c’est qu’ils assument un accueil digne de toutes ces personnes contraintes à l’exil. (…) L’avenir de ce pays repose sur ces milliers de femmes et d’hommes qui depuis leur exil ou dans leur pays vont lutter pour ouvrir d’autres voies pour l’Afghanistan. Ce sont eux qu’il ne faut pas abandonner ».

Désormais, « l’Occident tente de définir un nécessaire dialogue avec le nouveau pouvoir à Kaboul », relève Le Figaro. Mais « que faut-il en espérer ?, s’interroge le journal. Le droit de délivrer une aide humanitaire pour maintenir le pays à flot ? Une coopération sécuritaire susceptible d’empêcher de prochains attentats ? Ne rêvons pas trop, prévient Le Figaro : toute discussion avec les talibans ne sera qu’un marchandage sans fin ».

D’autant que « pour l’heure, pointe encore le journal, la future gouvernance talibane reste très floue, au-delà de quelques ministres nommés non officiellement. Le passé n’aide guère à anticiper tant l’événement est inédit dans l’histoire récente. Jamais un mouvement radical de ce type n’avait perdu le pouvoir avant de le reconquérir, bien plus tard, mais avec les mêmes leaders ou presque ».

Et on revient à Libération qui conclut : « ainsi s’achève la plus longue guerre des États-Unis, laissant derrière elle des talibans plus forts que jamais et des milliers de vies à reconstruire. "Le pays s’est vidé de toutes les forces vives dont il disposait, regrette un homme politique afghan. Qu’est-ce que les talibans pouvaient espérer de plus que de voir partir les plus éduqués ? Ils ont les mains libres, la communauté internationale a fait le travail à leur place" ».