C’est le constat en première page du Parisien après la sortie remarquée d’Emmanuel Macron hier dans les colonnes du journal : « les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder… » Une petite phrase qui a déclenché les foudres de l’opposition et de quasiment tous les commentateurs… 

Libération fulmine : « populiste à tout-vax », lance le quotidien en Une. « Avec cette sortie, le chef de l’État a donné le ton de sa campagne de réélection, abandonnant le débat d’idées pour adopter la rhétorique populiste d’un Éric Zemmour », dénonce Libé qui poursuit :« adieu aux habits présidentiels, à la grandeur de la fonction, au camp de la raison, au débat d’idées : préférant clairement un second tour face à Éric Zemmour, le président de la République adopte son langage et sa rhétorique. Il s’agit donc, comme l’ont immédiatement expliqué ministres et députés de la majorité, de "parler cash" et de dire tout haut ce que les Français disent tout bas, comme tous les populistes (…) ».
Populisme déclaré ? 
« Malaise démocratique », enchaîne Le Figaro. « En choisissant de faire porter sur 10 % des Français la peur, la fatigue, l’impatience provoquées par deux ans de Covid, Emmanuel Macron n’exempte pas seulement son gouvernement de tous ses manques, il installe, volontairement, dans l’espoir d’en tirer un profit politique, le malsain "eux et nous" que l’on reproche au populisme. Les Marcheurs aiment à dénoncer ceux qui "jouent sur les peurs", "stigmatisent" des catégories de population et "font commerce" de la colère. Que font-ils d’autre ? » 

L’Humanité s’étrangle en première page : « Indigne ! (…) Le versatile Emmanuel Macron, dans les starting-blocks présidentiels, revient au registre qu’il maîtrise le mieux : celui du clivage et du mépris. »
L’arroseur arrosé ?
En fait, c’est Macron qui se retrouve maintenant emmerdé, estime L’Opinion : « en voulant choquer, voici les emmerdements. Parce que ce qui est vulgaire dans la bouche d’un simple candidat à une élection présidentielle ne peut pas être dit par un président en exercice. Et parce que n’ayant pas déclaré qu’il était formellement candidat tout en s’autorisant de parler comme s’il l’était, Emmanuel Macron risque d’anéantir son entrée en campagne. » 

« C’est politiquement du grand art, affirme Le Télégramme. Mais c’est démocratiquement dangereux. Quand l’émotion et la manipulation des sentiments prennent le pas sur la nécessité de fédérer, c’est un nouveau pan de la confiance à l’égard du pouvoir qui s’effondre. » 

« Une petite phrase de trop », lance Sud-Ouest. « Emmanuel Macron est le président de tous les Français, y compris de ceux qui ne sont pas vaccinés, et même s’il faut parfois dire les choses franchement, sa fonction consiste à rassembler et à apaiser plutôt qu’à cliver ou à provoquer. » 

La Croix enfonce le clou : « le dossier est déjà suffisamment sensible et clivant pour ne pas en rajouter. On ne sait ce que cette fanfaronnade coûtera ou rapportera à Emmanuel Macron en terme de dynamique électorale. On sait en revanche qu’elle n’a rien apporté à la qualité du débat public. »  
Tactique de positionnement ?
On revient au Parisien qui reconnait que « la forme est assez hardie… », mais « pour le fond, la provocation d’Emmanuel Macron peut avoir un double avantage tactique pour lui, estime le journal. En réactivant l’antagonisme avec les antivax, il va sans doute remobiliser les complotistes de tout poil et avec eux l’extrême droite dont les positions sur la lutte anti-Covid sont à la fois fluctuantes et embarrassées. Comme si le président choisissait ses adversaires (Marine Le Pen et Éric Zemmour) pour affaiblir Valérie Pécresse, plus dangereuse dans un second tour. Emmanuel Macron fait aussi le pari de l’opinion, pointe Le Parisien, qui s’exaspère de l’égoïsme et de l’inconséquence des antivax. Ces derniers encombrent (en effet) les services des urgences, sans se soucier ni des déprogrammations d’interventions chirurgicales ni de l’épuisement du personnel soignant. » 

Enfin, pointe Le Progrès, le résultat de cette petite phrase : « éclats de Marine Le Pen, Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon, valse-hésitation des socialistes, changement de cap de Valérie Pécresse de la protestation mardi à la "responsabilisation" mercredi. En clair, Emmanuel Macron a contraint ses adversaires à se positionner par rapport à lui. Cynique, peut-être, mais efficace. »