C’est du jamais vu, pointe Libération. « Au fil des jours, la liste des fédérations de l’Education nationale appelant à la grève demain jeudi n’a cessé de s’allonger. La traînée de poudre parvenant même jusqu’aux chefs d’établissements et inspecteurs, connus pour se tenir habituellement à l’écart de ce genre de mouvement social. Faisant fi de leurs désaccords, toutes les fédérations du public ont ainsi répondu présentes, épaulées par les infirmières, plusieurs syndicats du privé et les parents d’élèves. (…) Submergée par la vague omicron, la communauté éducative compte bien faire entendre son mécontentement, poursuit Libération, face à un protocole faiblard en forme de girouette, une gestion chaotique des absences d’enseignants, un manque de moyens criant et un mépris sous-jacent. »
Des directeurs au bout du rouleau
Le journal a interrogé trois chefs d’établissement de Marseille. Ils racontent leur quotidien en temps de pandémie.

Exemple Mathias, directeur d’une école élémentaire d’un quartier du centre-nord : « hier mardi, c’était ma journée de décharge, j’ai donc pu répondre au téléphone à beaucoup de parents, relate-t-il. Il a fallu aussi s’occuper de ceux qui attendaient des attestations pour obtenir des autotests gratuits à la pharmacie. Sauf qu’on n’a pas reçu de document-type à leur fournir, je vais donc goupiller quelque chose. Je n’ai appris les annonces du Premier ministre qu’en différé, je n’étais pas devant la télé. Rien ne nous satisfait là-dedans. Nous simplifier la tâche ? Antigénique ou PCR, il faut quand même vérifier les tests. Et puis beaucoup de parents hésitent à réaliser les autotests, de peur de faire mal aux enfants. Et vont-ils bien le faire ? On ne se sent pas vraiment en sécurité, conclut Mathias, ces nouvelles règles vont plus énerver les enseignants qu’autre chose. Finalement, on va fermer l’école. Ce n’était pas prévu, mais les annonces d’hier, ça a été la goutte d’eau. »

« Les directeurs d’école sont seuls », renchérit ce chef d’établissement interrogé par La Voix du Nord. « Tout nous tombe dessus. (…) En ce moment, c’est ingérable. (…) Je réponds aux mails jusqu’à 22 h, je les consulte à partir de 5 h et j’y réponds à partir de 7 h quand j’arrive à l’école. (…) Ce qui me fait tenir, c’est que je prends ma retraite à la fin de l’année. J’aime mon métier, mais je suis content de partir. »
Situation intenable !
C’est donc « la pagaille dans les écoles », s’exclame Le Parisien. « Jusque-là, la France avait réussi à être l’un des pays du monde qui avait le moins fermé ses écoles (une dizaine de semaines seulement). Mais Omicron, en étant moins dangereux mais beaucoup plus contagieux, fait tout voler en éclats… Pas assez grave pour justifier un confinement du système scolaire (et de l’activité économique). Pas assez anodin pour qu’on laisse filer le virus. Du coup, la stratégie 'tester, tracer, isoler' ne fonctionne plus. On est passé au « vacciner et tester plutôt que de fermer », selon la formule du Premier ministre. Dans la pratique, l’équation est compliquée pour les enseignants (…). Le nombre de cas positifs est tel que la situation est devenue intenable dans les établissements. Trop de pression, trop de contraintes, trop d’angoisses ! »
Blanquer désavoué même dans son propre camp
Pour sa part, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education se retrouve sous le feu des critiques, jusque dans son propre camp… « Jean-Michel Blanquer, un favori dont l’étoile pâlit sous l’effet d’Omicron », titre ainsi Le Monde qui relève que « les volte-face de l’exécutif sur les protocoles sanitaires à appliquer dans les écoles ainsi qu’une communication approximative ont fragilisé la position du ministre. »

« Le plus déstabilisant pour le ministre de l’Éducation nationale, souligne Le Figaro, est d’avoir subi le désaveu ou la correction des deux têtes de l’exécutif. (…) Lorsqu’une enseignante s’agace auprès d’Emmanuel Macron, lors d’une interview, de découvrir les nouveaux protocoles dans la presse, le chef de l’État lui donne raison. Et lorsque, devant le spectacle des files d’élèves patientant dans le froid devant les pharmacies pour se faire tester, le gouvernement revoit en urgence son protocole, c’est Jean Castex qui va les présenter au 20 Heures de TF1. Comme s’il ne jugeait plus son ministre de l’Éducation suffisamment audible pour répondre à l’incompréhension ou la colère des parents d’élèves. (…) Le problème dans cette crise, pointe encore Le Figaro, est qu’il est impossible de distinguer ce qui relève du scolaire et ce qui relève du sanitaire. Ayant choisi de porter, d’incarner même, le choix de l’école ouverte malgré le Covid, Blanquer se trouve aujourd’hui comptable de ces deux aspects à la fois. »