Texte de l'épisode
Introduction

Tu as toujours les yeux perdu dans ce ciel toujours aussi familier ?


Imagine-toi équipé de la première lunette astronomique. Tu regardes dedans et non seulement les étoiles te paraissent plus brillantes mais tu en distingues d’autres que tu n’avais pas vues.


Je t’avais dit que par une nuit noire, tu peux apercevoir quelques 3000 étoiles, mais avec une simple lunette astronomique, tu peux monter à près de 20 000 étoiles.


Partout où tu regardes, le ciel est rempli de ces points lumineux, même là où tu n’en voyais pas à l’oeil nu.


Profite-en pour regarder la grande ourse et mieux distinguer Alcor et mizar, ces deux étoiles si proches qu’elles ne paraissent faire qu’une pour les yeux non avertis.


Imagine ce qu’a dû ressentir le premier homme qui a utilisé cet instrument, l’émerveillement et le vertige de s’apercevoir que le nombre d’étoiles visibles ainsi est plus grand encore.


Mais je vais un peu vite, nous en étions au tout début de cette histoire où la lunette astronomique joue un rôle central.


Les planètes

C’est en se concentrant sur cette bande de constellations qui sert à l’astrologie, à la recherche de signes venant du ciel que l’on s’est aperçus que certains points ne défilaient pas de la même façon que le reste des étoiles au fur et à mesure de l’année.


D’un mois à l’autre, ces points changeaient de place au sein des constellations du Zodiaque.


On retrouve Thalès qui avait à tort déterminé que la Terre était un disque, qui nomme ces étoiles particulières :
Ces point ont été nommés “planètes”, nom formé à partir du mot latin "planeta", qui vient lui-même du grec "planêtês" : et qui signifie "errant, vagabond".


Alors nos ancêtres romains leur ont donné des noms de leurs dieux et on a gardé cette dénomination :
Jupiter, la plus grosse des planètes a reçu le nom du dieux des dieux, Saturne, celui du dieu lié au solstice d’hiver.


Un point très rapide a été nommé Mercure, dieu des voleurs, des voyages et le messager des autres dieux
Un point rouge, comme le sang, a hérité du nom de Mars, le dieu de la guerre.


Enfin, la plus belle planète du ciel a été nommée Vénus, comme la déesse de l’amour, de la beauté et de la séduction.


Ces planètes ont d’ailleurs donné leur nom aux jours de la semaine :
Tous les nom des jours contiennent “di”. Cela ressemble d’ailleurs étrangement à “day” chez nos amis d’outre-manche. Di signifie “le jour de”.


Mercredi c’est le plus facile à deviner : il s’agit du jour de Mercure.


Avec un peu d’imagination, tu peux trouver la signification de chacun des jours de la semaine. Lundi pour la lune, Mardi pour Mars, Jeudi pour Jupiter, Vendredi, pour Venus.


Pour Samedi et Dimanche, le mieux est de passer en langue anglaise : Saturday et Sunday. Le jour de Saturne et celui du Soleil.


Si je t’ai parlé du temps, c’est entre autre parce que sans calendrier, il aurait été impossible de repérer l’aspect cyclique du mouvement de ces astres.


C’est ainsi tout à fait naturel que le nom des jours soit lié à ces objets mobiles de la voûte céleste. On retrouve encore une fois le ciel utilisé comme une horloge.


Tu remarques qu’il manque des planètes. C’est normal.


Le système solaire a toujours été le même mais la vision qu’en a eu l’humanité a évolué au fil du temps. Au début, on ne parlait même pas de système solaire d’ailleurs, puisque la Terre était au centre de tout.


Il y a quelques années, je t’aurais dit que pluton est une planète.


Quelque deux siècles en arrière, je te l’aurais listé de cette façon : Mercure Venus, Terre, Mars, Cérès, Pallas, Junon et Vesta, Jupiter, Saturne, Uranus… et c’est tout.


Donc pour nos ancêtres, le ciel était composé des seuls 7 éléments qui composent les jours de la semaine.


Un ballet déséquilibré

Mais ces planètes, quel que soit le nombre connu, ont eu bien plus d’influence que ce que quiconque aurait pu anticiper.


Leur présence remettait en cause l’image que l’humanité avait du ciel.
Il n’était plus possible d’imaginer un ballet simple, basé sur un dôme céleste et deux astres qui tournent autour de la Terre.


Mais il y avait tout de même quelque chose qui clochait dans l’image d’un écrin fait pour nous, humains.


Imagine-toi un instant être un de ces grands penseurs. Tu aimes par dessus tout l’équilibre dans le monde qui t’entoure.
Tu es à la recherche de la beauté mathématique d’un ratio parfait entre hauteur et largeur, ainsi que d’autres formules permettant d’expliquer ce qui se produit sur Terre.


Et là dans le ciel, il y a ces points qui bougent de manière à priori complètement absurde, bien que réguliers, c’est à dire cycliques donc prévisibles mais complètement inexplicables.


La position au zénith du Soleil change bien au fil des saisons, mais elle forme un 8 bien régulier.


Les planètes, notamment Mars, vont parfois stopper leur mouvement pour repartir dans le sens inverse avant de reprendre leur direction initiale.
Cette “marche arrière temporaire” ou rétrogradation est particulièrement inexplicable.


Combien il est tentant de chercher la solution à cette énigme !


D’aristote à Ptolémée, ils imaginèrent alors, toujours avec la terre en son centre, une mécanique complexe avec un système de sphères imbriquées les unes dans les autres, avec 55 à 80 couches. Une construction à la manière d’un oignon qui a été la référence pendant près de 20 siècles.


C’est une énigme qui durera jusqu’à 16e siècle, c’est très récent !


Bien qu’il y ait eu quelques précurseurs, comme Aristarque de Samos (vers -280), aient envisagé le mouvement de la Terre autour du Soleil, il s’agissait de propositions alternatives qui n’avaient pas de réel impact sur le consensus commun et qui n’avait pas comme but d’expliquer une observation du mouvement ce ces vagabonds.


Le fait que la Terre ne soit pas au centre de tous les mouvements fut notamment réfuté par Aristote, qui avait pourtant intuité la rotondité de la Terre, dans un échange qui peut te faire sourire mais qui ne manque pas de bon sens, au vu des observations à leur disposition :


Aristote exprima l’objection suivante : «Si la Terre tournait autour du Soleil, elle occuperait dans sa course des positions fort différentes dans l’espace. On observerait les étoiles sous des angles différents, et on les verrait se déplacer les unes par rapport aux autres au cours de l’année. Les constellations changeraient de forme»


Aristarque de Samos émit alors l’hypothèse : «Oui, ce serait vrai, sauf si les étoiles sont immensément éloignées au-delà du cercle que décrit la Terre, comme la surface d’une sphère est éloignée de son centre».


Maintenant, toi aussi tu sais que c’est exact, l’étoile la plus proche Proxima du Centaure est 28 000 fois plus lointaine que Saturne, la planète la plus éloignée, connue à cette époque.


Il explique aussi l’alternance jour/nuit en précisant que «La Terre est animée d’un deuxième mouvement de rotation sur elle-même, qui explique la révolution quotidienne apparente de la voûte céleste»


Oui, que le soleil tourne autour de la Terre ou qu’elle tourne sur elle-même, cela pourrait expliquer le jour et la nuit avec la même précision.


Les 7 grands principes de Copernic

Il fallu donc attendre 1513, dix-sept siècles plus tard, (et 2 ans avant marignan) avec Nicolas Copernic pour retrouver en occident un modèle héliocentrique (helios, c’est le soleil, donc heliocentrique signifie “avec le soleil au centre”)
Ce modèle inclut la Terre et toutes les planètes connues à l'époque et dans une danse qui avait l’avantage de restaurer le côté simple et régulier du modèle de l’univers connu.


Oui, l’univers connu à l’époque était relativement restreint.


On est donc passé d’un univers où les planètes zigzaguent sans raison, à un univers dans lequel les planètes tournent toutes à une vitesse régulière autour d’un soleil placé au centre dans un mouvement lent et horloger.


Cela est beau dans sa régularité et sa simplicité, mais c’est aussi la première fois que l’humanité voit sa place dans l’univers amoindrie.


Pour vous donner une idée de l’avancée formulée par Copernic, voici les 7 grands principes énoncés dans son ouvrage “Les révolutions des sphères célestes" :

Tous les corps célestes ne se meuvent pas autour du même axe, sous-entendu la Terre.
La Terre n’est pas le centre de l’Univers mais seulement de celui de la Lune.
Le Soleil est au centre du système planétaire, donc de l’Univers.
La distance Terre-Soleil est négligeable, comparée à la distance aux étoiles fixes.
La révolution du firmament (le mouvement jour-nuit) est dû à la rotation de la Terre autour de son axe, la sphère étant immobile.
Le mouvement apparent du Soleil est dû au fait que la Terre, comme les autres planètes, tourne autour du Soleil.
Les apparentes stations et rétrogradations des planètes vues de la Terre sont dues au même phénomène

L’énoncé de ces sept hypothèses constitue une véritable révolution qu’on appelle d’ailleurs la "Révolution Copernicienne".


Et même si l’on sait qu’il y a dans le lot quelques inexactitudes, les grands principes régissant notre système solaire sont tous présents.


Le plus incroyable c’est que Copernic n’est capable d’apporter aucune autre preuve que la simplicité d’un tel système. Au lieu d’une mécanique de 80 sphères, il y a alors moins d’une dizaines de sphères, dont une majorité des révolutions, ou orbites, sont dans un même plan, avec le soleil en son centre.


Les observations de Galilée

Nous pensions vivre au centre de l’Univers mais nous ne sommes que sur l’une des planètes qui orbitent le Soleil, un des vagabonds.


Comme vous vous en doutez, cette image n’a pas rencontré un succès immédiat… même si on l’avait déjà 17 siècles avant.


Si la démonstration de la simplicité de la solution de Copernic était excellente, la société de l’époque n’était pas prête à accepter de ne pas être au centre d’un écrin prévu pour nous.


Mais la réactance face à ce nouveau modèle n’est pas uniquement dogmatique. Elle est aussi scientifique. “Si la Terre tourne autour du Soleil, comment expliquer le mouvement de la Lune ?”


En effet, si la Lune est le seul astre à devoir tourner autour de la Terre, comment justifier cette exception unique ?


Il faudra non pas un mais deux visionnaires, Kepler et Galilée.
Le premier tente une approche par le calcul, tentant de trouver une relation mathématique entre la distance au centre et la durée d’une révolution


Le second aura une approche basée sur l'observation pure: il pointera une longue vue améliorée vers la voûte céleste. Le premier télescope.


On dit souvent, qu’il a inventé le télescope… ce n’est pas tout à fait vrai.
La subtilité, c’est qu’il a basé son travail sur celui d’un opticien néerlandais qui a créé ce qu’on appelle à l’époque une “lunette d’approche”.
Sans le savoir, tu en as vu déjà beaucoup : c’est une longue vue, culturellement associée aux films sur les grands navigateurs ou les pirates.


Galilée a en revanche construit sa propre lunette d’approche ayant entendu parler de cette des travaux en optique aux pays bas et l’offre au Sénat de venise.


Il commence par découvrir qu’il y a bien plus d’étoiles que celles que l’on peut observer à l’oeil nu.


Il constate ainsi qu' « il est important d'ajouter à la foule des étoiles fixes que les hommes avaient pu observer à l'oeil nu jusqu'à maintenant,


d'autres étoiles innombrables,


et nous pouvons désormais offrir au regard des hommes leur spectacle, précédemment caché.


Leur nombre dépasse de plus de dix fois celui des étoiles anciennement connues ». (Galilée, Sidereus Nuncius).


Surtout, Galilée détaille l'aspect des étoiles à travers la lunette. Il remarque que, si les planètes sont des cercles nets, « les étoiles ne se présentent pas comme limitées par des circonférences de cercle, mais comme des noyaux de lumière qui rayonnent et scintillent dans toutes les directions » (Galilée, Sidereus Nuncius).


Galilée parvient à observer quatre satellites de Jupiter en janvier 1610. Il explique que c'est un argument important en faveur du modèle copernicien. En effet, les partisans du modèle géocentrique soulignent que si tous les astres tournaient autour du Soleil, le parcours de la Lune autour de la Terre serait une curieuse exception.


Galilée explique : «
Nous tenons un argument excellent et lumineux pour ôter tout scrupule à ceux qui acceptent la révolution des Planètes autour du Soleil dans le Système copernicien,
mais qui sont tellement perturbés par le tour que fait la seule Lune autour de la Terre, accomplissant toutes les deux une révolution annuelle autour du Soleil,
qu'ils jugent que cette organisation du monde doit être rejetée comme une impossibilité.


Maintenant, nous n'avons plus une seule Planète tournant autour d'une autre pendant que toutes deux parcourent un grand orbe autour du Soleil.


Notre perception nous offre désormais quatre étoiles errantes supplémentaires, tournant autour de Jupiter et le tout poursuit ensemble, un grand orbe autour du Soleil en l'espace de douze ans ». (Galilée, Sidereus Nuncius).


Ici encore il s'agit d'un argument en faveur du système de Nicolas Copernic, car avec les satellites de Jupiter, il n'y a plus un seul centre de rotation dans l'univers.
Si Jupiter dispose de lunes, le satellite de la Terre n’est plus une exception et son existence n’est plus un frein à l’adoption de cette théorie scientifique.


Galilée baptise ces 4 lunes de Jupiter, “planètes médicéennes” en l'honneur du Duc de Médicis (et de ses trois frères) au service duquel il espère être engagé.


De nos jours, ce n’est pas leurs nom d’origine qui ont été retenus, mais celui de leur découvreur et ces 4 premières lunes, toujours observables avec une lunette astronomique sont nommés satellites galiléens (ou lunes galiléennes).


Il observe aussi des protubérances de part et d’autre de Saturne, découvrant sans le savoir ses anneaux si caractéristiques.


Si tu es un astronome amateur, c’est un excellent exercice que de marcher dans les traces de cet ancêtre et tenter à ton tour d’observer Jupiter et Saturne.


Il faut savoir que Galilée est sous la protection du pape Urbain VIII, et il souhaite rester prudent dans la publication de ses découvertes.


Il décida alors de publier un dialogue entre 3 personnes (géocentrique/héliiocentrique/neutre) qui se nomme « Dialogue sur les deux grands systèmes du monde », ne prenant lui-même pas position mais laissant les arguments parler à sa place dans une forme compréhensible par le plus grand nombre…


Le fait de rendre ses réflexions si accessibles au public n’est pas très malin : l’année suivante, Le saint office (le tribunal de l’inquisition) l’oblige à se rétracter sous peine d'être brûlé pour hérésie.


Après avoir renié ses convictions scientifiques et en particulier le fait que la terre tourne sur elle-même, Galilée aurait murmuré "Et pourtant elle tourne".
Cependant il est fort probable que cette phrase ne soit qu’un mythe.


Ce que l’on sait en revanche c’est que le pape Urbain VIII intervient et transforme sa peine en simple assignation à résidence.


Ce n’est qu’en 1992 que l’Eglise réhabilite Galilée


L’héliocentrisme par d’autres

Encore une fois, l’histoire est un peu différente de que que tu t’imagines : bien évidemment Galilée n'était pas seul contre tous à la recherche de la preuve de l’héliocentrisme à cette époque.


Je t’ai déjà cité Kepler dont je vais te parler très vite avec plus de détails, mais en France, il y a un certain Descartes qui lui aussi travaillait sur une des dernières oeuvres de sa vie “Le traité du monde et de la lumière”.


Dans cet ouvrage il traite aussi de l’héliocentrisme et alors qu’il en achève l’écriture, il apprend que galilée a été condamné.
Il attend un an afin d’en recevoir une copie et à sa lecture, décide qu’il est trop risqué pour lui de publier son propre traité.
La publication sera donc à titre posthume, afin d’éviter les foudres de l’Eglise.


De même, on retrouve des traces en Inde de traités d’astronomie qui évoquent cette hypothèse et un peu partout des systèmes à la fois héliocentriques et géocentriques où les planètes tournent autour du Soleil qui, lui, tourne autour de la terre.


C’est intéressant de voir qu’à l’échelle de l’histoire de l'humanité, de l’apparition de l’homo sapiens, il y a 200 000 ans, à nos jours, les découvertes ne sont pas si éloignées dans le temps d’une civilisation à l’autre, souvent deux ou trois siècles au maximum.


Cela montre encore une fois à quel point les civilisations sont plus liées que ce que l’on a appris dans nos livres d’histoire.


A quel point même à l’époque, notre cailloux spatial était trop petit pour que les grandes idées ne puissent y circuler.


Une co-production de

Phil_Goud : Texte et narration
Redscape : Mise en musique, mixage et voix des anciens

Génériques (Début+Fin) : “Euphotic” Carbon Based Lifeforms (Interloper) 2015 Blood Music
Avec l’aimable autorisation de Carbon Based Lifeforms pour la réutilisation de sa musique.
Voix du générique : Karine


Crédits musiques

“La Contemplation des Etoiles” Gastón Arévalo (Terrain) 2020 A Strangely Isolated Place
“Stellarum Fixarum” Slow Meadow (Happy Occident) 2019 Hammock Music
“Eclipse” Marsen Jules Trio (Présences Acousmatique) 2013 Oktaf
“Light (Ben Lukas Boysen Remix)” Ocoeur (Memento) 2013 n5MD
“First Steps Into Sunken Glades” Gareth Coker (Ori And The Blind Forest Original Soundtrack) 2017 Microsoft Studios Music
“The Trees Back Home” The Ghost Of 3.13 (There Once Was Beauty) 2016 Mozyk

Les artistes

Gastón Arévalo : http://www.garevalo.info
Slow Meadow : https://www.slowmeadow.com
Marsen Jules Trio : http://www.marsenjules.de
Ocoeur : https://www.ocoeur-music.com
Ben Lukas Boysen : https://benlukasboysen.com
Gareth Coker : https://www.gareth-coker.net
The Ghost Of 3.13 : https://theghostof313.bandcamp.com

Crédit image

Greg Rakozy https://unsplash.com/photos/0LU4vO5iFpM

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