La France qui se donne « encore une chance » en renforçant le couvre-feu afin d’éviter un très anticipé nouveau confinement ? Emmanuel Macron a pris tout le monde de court.

 « On échappe au pire », respire Nice Matin.

Mais à la différence de cette formule gonflée à l’oxygène qui barre la Une de ce quotidien du sud-est du pays, le journal Le Télégramme, à son extrême-ouest, s’empresse de modérer cet élan positif en remarquant que la France échappe au reconfinement « pour le moment… » (avec trois points de suspension qui en disent long).

Pour Les Dernières Nouvelles d’Alsace aussi, les mesures annoncées ce vendredi soir par Jean Castex ne font que « retarder l’inéluctable ». Toutefois, admet ce quotidien de l’est de la France, on ne pourra pas « faire reproche à l’exécutif de ne pas avoir tout essayé pour éviter un nouvel enfermement strict de la population ».

Autant dire que, dans la presse française ce matin, c’est à chacun sa vérité, l’un qui approuve, l’autre qui se désole.
Macron aux manettes
Ce vendredi soir, c’est bien Jean Castex qui a parlé, mais pour annoncer « la surprise du chef », lance Le Figaro. Non pas le chef du gouvernement qu’est, justement, le Premier ministre, qui a donc pris la parole depuis le palais de l’Élysée, mais le grand chef, alias Emmanuel Macron, le président ayant estimé qu’il était « urgent d’attendre », montrant ainsi qu’un « choix prudent » pouvait être « une audace », apprécie Le Figaro.

Pari audacieux ? Selon ce journal, il faut certes « sauver des vies », et sur ce point, « tout le monde est d’accord », admet ce quotidien, mais après dix mois d’existence atrophiée, il s’agit aussi de « sauver la vie », complète-t-il, se félicitant de la décision du chef de l’État en laquelle il discerne une « sage précaution ».

En applaudissant ainsi Emmanuel Macron, ce journal, sans attendre, entendait aller bon train les commentaires. « Bien sûr, anticipe Le Figaro, on entend déjà les ricanements des sachants qui assurent que ce n’est que partie remise, que dans une semaine la situation nous obligera à nous confiner. On connaît la joie mauvaise de ceux qui savourent le désastre. En vérité, ils voudraient que les expertises médicales l’emportent sur la décision politique et les procédures administratives sur le simple bon sens. » Et pour ce quotidien, le discours lapidaire du Premier ministre nous a montré que le chef de l’État avait « repris les commandes ».
Reculer pour mieux sauter
La France échappe à un nouveau confinement ? Pour Libération, ça n’est que partie remise. Et pour se bien faire comprendre, ce quotidien use d’accent révolutionnaire, en reprenant à son compte la formule attribuée à la comtesse du Barry, ultime favorite de Louis XV, guillotinée durant la Terreur place de la Révolution à Paris. La du Barry à qui l’on prête cette formule prononcée sur l’échafaud : « Encore un moment, Monsieur le bourreau ! ».

Pour Libé, donc, les annonces de Jean Castex ce vendredi soir peuvent se ramasser dans une simple formule : « Encore une minute, monsieur le bourreau ». Autant dire que, pour ce journal, « l’exécutif donne encore quelques jours avant l’annonce d’un troisième reconfinement » et Jean Castex « poursuit donc le supplice chinois orchestré par l’exécutif depuis une semaine ».
 Le blues des spécialistes
Du côté des experts, les critiques sont encore plus acerbes, après les mesures annoncées par le Premier ministre. Ou plutôt les « mesurettes » de Jean Castex, pointe Le Parisien. Ils font « grise mine » car, selon eux, lesdites mesurettes « ne suffiront pas ».

Alors ? Alors, dans ce quotidien, un « intime » d’Emmanuel Macron explique : « Le président essaie de retenir au maximum les décisions pour laisser de l'oxygène au pays. Il ne veut pas céder à la panique et encore moins aux injonctions ». Un « haut dirigeant » complète : « S'accorder quelques jours de réflexion pour savoir si on reconfine ou pas et prendre du champ après s'être cogné déjà deux confinements, cela s'appelle de la sagesse. Les médias expliquent aux Français que les vaccins ne seraient peut-être pas efficaces contre tous les variants. Les gens ont pris un coup sur le carafon », dit donc cette source proche de l’exécutif au Parisien (« carafon » étant une façon relâchée de parler du « crâne », bien sûr). Les mesures de Macron dans la presse ce matin, une vraie prise de tête.