Des mots rendent la parole à l’enseigne lumineuse du Plaza.

Lola : « Pierre, t’as envie de cinéma, de pop-corn, de t’assoir dans un fauteuil moelleux avec un appuie-tête ? Tu veux aller dans un cinéma ?


Tu parles de cet endroit où se réunissait des gens pour partager un moment de plaisir, un moment hors du quotidien.


Tu parles d’un temps avant les solitudes des streamings domestiques.


Tu évoques le cinéma de papa, un cinéma sans pixels avec de lourdes bobines de films.


À l’époque,

si l’envie de te faire une toile te prenait, il suffisait de sortir de chez toi, de flâner dans les rues et de lever le bout de ton nez au-dessus de la salle obscure.

Là, se trouvait le programme


Écrit en grandes lettres lumineuses


Nombreux étaient les cinémas et chacun d’eux disposait d’une enseigne pour annoncer le film projeté.


Dans ce temps bien avant le Covid, chaque salle proposait un seul film ou deux à la rigueur.

Il n’y avait pas de multisalles, ni de programmation différentiée selon les heures.


Dans la catégorie des films d’aventure, la majorité des histoires se ressemblaient, vous pouviez voir Bebel sauter d’un avion ou d’une voiture en marche avant qu’elle n’explose, observer l’inclinaison d’un sourcil sur le visage impassible de Delon coiffé d’un borsalino. Les jeunes premières se nommaient Brigitte Bardot ou Jane Fonda, elles étaient vêtues de jupes savamment fendues pour montrer leurs gambettes tout en restant à la limite de ce que la morale pouvait supporter. Les lumières sculptaient avec malignité leurs féminités.


Pour rire, il fallait opter pour les Bourvil, les De Funès et l’unique Fernandel.

Un certain nombre de cinémas était permanent. Ce qui veut dire que vous pouviez pénétrer à toute heure dans la salle et que votre esprit s’accommodait de voir la fin avant le début. Pour peu que vous ayez du temps à tuer, rien ne vous empêchait de voir le film plusieurs fois.


Toute cette nostalgie pour vous dire que l’autre jour, je suis passé devant l’ancien cinéma Plaza et constaté que l’enseigne reprenait vie.


Un message était écrit dessus dans les langues de Truffaut et d’Hitchcock


On pouvait y lire :

«Vous me remercierez plus tard.

You will thank me later»


Cette phrase énigmatique se trouvait en lieu et place de l’annonce commerciale «derniers bureaux à louer»


« Bureaux à louer » écrire ça là

J’en déduis que le promoteur immobilier qui avait acquis ce cinéma, en perdition, n’était pas un cinéphile mais bel et bien un homme d’affaires dépourvu de scrupules.


Il avait compris que l’espace de la guerre des étoiles pouvait se métamorphoser, devenir centre commercial et parking de luxe et même des bureaux ou des logements pour étudiant. Ça fait toujours bien de penser aux étudiants…


Il a fait une erreur.

Avoir l’outrecuidance de faire sa Pub sur une enseigne chargée de la mémoire de nos souvenirs s’était faire fi de la charge émotionnelle que cette enseigne pouvait receler.


Il n’a pas imaginé une seconde qu’une poignée de citoyens était prête à défendre le lieu.


Il n’a pas imaginé que cette salle pouvait devenir patrimoine architectural.


Il n’a pas imaginé qu’une grande firme horlogère pouvait les aider.


Bon, je ne vais pas refaire toute l’histoire du Plaza pour vous parler de son enseigne d’autant plus que le message évoqué a déjà disparu.


Mais sachez que jusqu’à la réouverture des lieux, prévue fin 2023, des phrases de l’artiste Christian Robert-Tissot prendront place sur le panneau


Pour son deuxième projet, qui débutera au mois de mars, le plasticien prévoit de jouer avec le mot « atmosphère », clin d’œil à l’histoire du cinéma.


Il va nous réenchanter les yeux et la mémoire.


Si vous avez manqué la brève apparition du premier message vous pouvez vous rattraper sur la vitrine bordant l’entrée…


L’auteure et plasticienne Fabienne Radi publie un feuilleton fictionnel sur la base bien réelle des carnets du projectionniste.


Elle débute en reprenant les titres de la saga de Sergio Léone

Il était une fois dans l’Ouest

Il était une fois la révolution

Il était une fois l’Amérique


Auxquels, elle ajoute Il était une fois le Plaza.


Je vais citer quelques mots de Fabienne Radi tirée de son texte

Il était une fois pour toutes.


Le cinéma Plaza a évité de justesse une issue catastrophique . Se réincarner en parking est une fin qu’on ne souhaite à personne, pas même à son pire ennemi. D’où le choix de la formule Il était une fois le Plaza pour vous raconter, depuis ses tout débuts et en plusieurs épisodes, les folles aventures d’un cinéma genevois. À SUIVRE


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