C’est en jouant qu’on apprend le mieux à connaître les gens.

Actuellement se joue au théâtre le Poche : « GOUTTES D’EAU SUR PIERRES BRÛLANTES »

Sur un Texte_Rainer Werner Fassbinder aussi connu pour son œuvre cinématographique dans une traduction & une mise en scène_mAthieu Bertholet


Le théâtre présente ainsi sa pièce

// C’est en jouant qu’on apprend le mieux à connaître les gens. //

Un homme de trente-cinq ans ramène un jeune homme inconnu chez lui. Le motif est évident, il veut le mettre dans son lit et y parviendra sans trop de difficultés. Dès lors, le couple s’installe en une vie commune gérée par un jeu de dominant/dominé déstabilisant à l’extrême. Un face-à-face intime où les MASQUES liberticides et amoureux s’exposent à vue, dévoilant avant tout la complexité des désirs et les bassesses qu’ils font parfois ressurgir. Ni Leopold ni Franz ne s’échapperont de cette pièce écrite à l’encre vive sans laisser derrière eux un peu de leur âme, et surtout de leur vie.

Leopold est un homme que l’on pourrait dire mûr s’il n’était pas aussi infantile et égocentré. Manipulateur insupportable il déambule dans la vie de dragueur éternellement adolescent. Entièrement sous son emprise, le jeune Franz désarçonne par sa capacité à se laisser dominer. Mais c’est une soumission volontaire. Son amour pour Anna s’efface dès lors que Leopold déploie son poison en son cœur. Rien ne va chez aucun des personnages mais à tout drame sa part de vérité et c’est bien là tout l’enjeu.

Le décor du Poche est recouvert d’une moquette profonde et blanche inspirée du film Les Larmes amères de Petra von Kant. On pourrait dire que le sol théâtral évoque les racines qui ont présidées à cette création. Mathieu Bertholet aime à dire que s’il est, aujourd’hui, directeur du Poche c’est un peu grâce à Fassbinder.

Pourquoi, me diriez-vous ?

Rappelons-nous, Mathieu Bertholet s’est fait connaître en 2001 en signant la traduction de Les Larmes amères de Petra von Kant, son premier spectacle à la Comédie de Genève.

Depuis cette époque, il garde une grande complicité avec Anne Bisang


Revenons à notre pièce

Les personnages sont représentés sous une forme hybride alliant le 17ème siècle des Passions dangereuses et le monde hippie des années 60. Rainer Werner Fassbinder a vraisemblablement écrit cette pièce entre 1965 et 1966. Publiée en 1985 et sous-titrée comédie à fin pseudo-tragique elle fait appel à ce que le classique sait manipuler avec brio : le jeu des doubles. Double sens, dualité, clarté et lumière, vérités et mensonges, réalité et fiction. Les êtres s’y affrontent sans détours, et parfois avec une pathétique cruauté, mais cette articulation des émotions humaines Fassbinder en a fait sa signature autant que mAthieu Bertholet a fait de l’interrogation des drames et des fourberies sociales, la sienne.


Encore quelques mots de Fassbinder pour expliquer la relation qu’il noue avec le théâtre


« Je suis entré à l’École d’art dramatique. Je suis très heureux d’avoir pu vivre cette espèce de négation du

foyer parental. J’ai mis du temps à comprendre ma mère. Mais elle joue dans mes films parce que j’ai toujours fait jouer mes amis dans mes films. En montant la troupe Antiteater j’ai cherché à recomposer un ersatz de famille. Je cherchais surtout à vivre et à me réaliser entièrement à travers mon travail. Je voulais former un collectif afin de ne pas me borner à produire des choses mais à les vivre. Une sorte de communauté. On nous élève dans l’idée qu’aucun groupe n’existe sans chef. C’est

faux. Depuis le début, il était évident que, dans une telle situation, où on ne gagnait pas beaucoup d’argent, où on faisait surtout du théâtre par plaisir et par désir d’appartenir à un groupe, il ne pouvait y avoir de décalage entre la représentation scénique de l’ensemble et la réalité. … Cela s’est cristallisé dans une forme que j’ai observée encore

longtemps après : tous les membres restaient toujours sur la scène, pour qu’ils puissent y être au moins le même temps. »


Pourquoi aller voir cette pièce ?


Je tiens à dire combien, le sujet aurait pu être vulgaire… s’il n’était pas habilement mise en scène par Mathieu Bertholet.


Il sait diriger ses comédiens avec goût et son travail qui tient de la chorégraphie donne une légèreté là où on ne l’attendait pas. Je salue aussi le travail des comédiens qui ont la lourde charge de jouer en alternance dans la pièce de Virginia Woolf


Il s’agit de VALERIA BERTOLOTTO, ANGELE COLAS, JEAN-LOUIS JOHANNIDES et GUILLAUME MIRAMOND


Je vous encourage à découvrir ce travail minutieux et élégant.