Alors que les combats font toujours rage autour de la ville de Bakhmout en Ukraine, les offensives russes se poursuivent aussi sur le terrain informationnel. Ces derniers jours, une vidéo circule censée montrer l’agression d’une femme et d’un enfant par deux supposés soldats ukrainiens. En réalité, il s’agit là d’un nouvel exemple de fausse information diffusée par la propagande russe.

Cette vidéo, vous l’avez peut-être déjà vue circuler sur Twitter, Telegram ou Facebook. Elle est filmée depuis l’intérieur d’une voiture par une caméra embarquée, braquée en direction de la route. Le véhicule roule sur une piste isolée, en pleine campagne, avant de se faire arrêter par un 4x4 arborant un drapeau ukrainien sur le pare-choc arrière.

Deux hommes, en tenue de l’armée ukrainienne, sortent alors de la voiture. À en croire la bande son, en ukrainien, un des deux hommes contrôle les deux passagers, une femme russophone et un enfant, avant que cela dérape. Le millaire frappe la porte de la voiture, crie et finit par tirer plusieurs fois avec son arme avant de s’en aller. Sous le choc, la femme et le bébé sont en pleurs.

Cette vidéo a d’abord été diffusée dans des médias russes et des chaînes Telegram très populaires, dès le lundi 27 mars. On la retrouve ensuite sur le compte twitter officiel du ministère des Affaires étrangères russe, accompagné du slogan « nazi un jour, nazi toujours ». Elle a enfin été partagée en masse sur les réseaux par les  relais de la propagande du Kremlin.

Selon eux, les images montreraient des soldats ukrainiens en train de semer volontairement la terreur. L’un deux aurait, toujours selon la version russe, insulté et menacé la passagère lorsque celle-ci aurait parlé en russe. Cette vidéo est donc présentée comme une preuve de la prétendue barbarie de l’armée ukrainienne. En réalité, ce narratif est totalement fallacieux.

Une mise en scène tournée en zone occupée

Des enquêteurs en source ouverte, autrement appellés chercheurs en Osint, ont réussi à géolocaliser précisément cette vidéo, prouvant que le narratif russe ne tient pas. Grâce au tracé de la route, à la végétation, aux éléments visibles dans le décor et grâce à la projection des ombres, on sait que la scène se déroule à Makiivka, à l’Est de Donetsk. Des résidents locaux se sont rendus sur place pour confirmer cette géolocalisation. 

La scène se déroule dans un territoire occupé par la Russie depuis 2014. Il est donc impossible que des soldats ukrainiens opèrent de cette façon dans la zone, avec un véhicule portant le drapeau bleu et jaune. Cette vidéo est donc une mise en scène. 

Des aveux, et un tweet supprimé

Face à ces éléments, certains ont fini par reconnaître que cette infox n’était pas crédible. C’est le cas d’une des chaînes Telegram pro-russe qui a d’abord diffusé la vidéo. Deux heures plus tard, elle diffuse ce message : « Видео фейк. Наши криво упражняются. В проведении подобных информационных операций нашим ещё учиться и учиться » qui signifie, après traduction : « La vidéo est fausse. C'est un exercice malhonnête. Nous avons encore un long chemin à parcourir pour mener à bien de telles opérations ». 

Plus significatif encore, le ministère des Affaires étrangères russe a rapidement supprimé son tweet, sans préciser pourquoi. Le site Wayback Machine, qui permet d’archiver des pages web, permet de retrouver la trace de cette publication. Malgré les vérifications, et les mea culpa, l'infox continue tout de même de circuler, notamment sur le compte Twitter de l’ambassade de Russie à Londres.

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