Ce qu’il y a de bien avec ce coup de chaud sur nos villes, c’est qu’il remet sur le tapis la nécessité de les adapter au bouleversement climatique. Tous à coup les médias bruissent de propositions de déminéralisation et de végétalisation de nos villes. La grande découverte est sur toutes les lèvres : les arbres apportent ombre et fraicheur, et pourraient permettre de rendre habitables nos espaces urbains à l’ère des canicules qui se banalisent. Mais avec les premières pluies qui nous ramènent aux moyennes saisonnières du XXe siècle, on passe à autre chose. C’est très bien de parler de la nécessaire transformation de nos villes, mais il est temps de s’y mettre !


Il va falloir plus que l’annonce d’un chèque de 500 millions d’euros et de l’ouverture d’un numéro vert pour changer les choses. La durée de vie d’un espace public est d’une trentaine d’années, nous sommes déjà en train de réaliser aujourd’hui les espaces publics de 2050. Chaque chantier engagé devrait donc être marqué par l’urgence climatique, et pensé pour le climat de demain. Comment faire de la place en réduisant celle occupée par la voiture ? Comment retrouver des sols perméables pour transformer la ville en une vaste éponge et éviter limiter les risques d'innondations ? Comment végétaliser massivement nos rues pour les tempérer ?


Mais il ne suffit pas de peler la croûte d’enrobé pour transformer un sol urbain en substrat fertile et y planter des forêts urbaines comme autant de climatiseurs naturels. Sous nos trottoirs fourmillent les réseaux qui gênent les racines, nos nappes de parkings dissimulent des sols pollués par les générations précédentes et la vie a quitté depuis longtemps ces terres encapsulés sous les résidus pétroliers. Faire de la place, déminéraliser tout ça, réactiver les sols et planter massivement n’a rien de simple, mais qui a dit que cette redirection le serait ?


Car les infrastructures techniques ne suffiront pas à passer le siècle. La trame de pleine terre et le couvert végétal constituent des infrastructures naturelles légitimes et vitales qu’il nous faut commencer à bâtir d’urgence. Pas des démonstrateurs plantés devant les mairies pour égayer les journalistes les jours de canicules et encombrer Instagram, mais une transformation en profondeur des espaces publics du quotidien, en requestionnant systématiquement l’usage de chaque métré carré imperméabilisé et nos façons de les aménager.


C’est un formidable enjeu que d’apprendre à repenser la place du vivant dans la ville, en apprenant à y tisser la pleine terre, l’eau et le végétal. Cette ville nature prendra du temps à se faire, mais il faudra aussi s’y faire. Ce n’est pas d'un bout de nature en ville dont nous avons besoin, mais d'ouvrir grand la porte au vivant dans toute sa diversité. Nous allons devoir apprendre à vivre avec l’abeille comme le moustique, l’écureuil comme le rat. En laissant la place aux non-humains dans la ville, les humains pourront peut-être aussi continuer d'y vivre.


— Sylvain Grisot


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