La mer avance, doucement, sur nos littoraux, où nous avons construit si près, pour être toujours plus proche d’elle. Tout en détruisant lentement les écosystèmes qui la maintenait au large.


Le recul du trait de côte, bien que la formule soit imagée, fait peur à tout le monde. On y perçoit cette belle maison bourgeoise, cette maison de vacance pleine de sable ou même cette petite cabane de pêche, s’effondrer d’un bloc ou sombrer sous les vagues. C’est aussi un sujet très technique, car de quoi parle-t-on exactement ? De la mer qui monte ? Du sable, des cailloux, du sol qui s’effritent, qui s’étiolent ? Du corail qui ne fait plus rempart ? Des digues qui faiblissent ? Un peu de tout ça ?


Sophie Poirier vient frôler ces enjeux, ces questionnements, mais en prenant un pas de côté important, sous l’angle de l’amour et du deuil. C’est l’histoire d’une rencontre, en 2014, à Soulac-sur-Mer. C’est l’histoire d’une passion, d’une obsession même, non pas avec un humain, mais avec un bâtiment. Avec un bloc de béton en lente dégradation. Cet immeuble, qui a été le rêve de nombreuses familles dans les années 70, s’appelle le Signal. Il a fallut faire le deuil de sa première vie, quand ses occupants ont dû plier bagage à la hâte sur arrêté préfectoral, car il menaçait de s’écrouler. Il faut dire que chaque année, les vagues se rapprochaient toujours un peu plus. Mais il a aussi fallut faire le deuil de sa seconde vie, où abandonné face aux vagues, le bâtiment a accueillit, illégalement, celles et ceux qui cherchaient un refuge, un endroit de fête, ou la découverte de l’interdit.


Cet immeuble est tristement devenu célèbre, créant un précédent dans les expulsions face au risque du recul du trait de côte, souvent cité comme l’exemple à ne pas suivre. Sophie Poirier a raconté un autre versant de son histoire, lui redonnant couleurs et odeurs, ce qu’on oublie bien souvent, nous autres professionnel·les de la fabrique des territoires.


Ce regard poétique et compulsif prend bien plus aux tripes que n’importe quel rapport technique alarmiste, posant encore une fois la force des récits pour nous transformer. Et même si le Signal a bel et bien été détruit, le récit de cette rencontre n’en reste pas moins d’actualité face à toutes les ruines que nous avons construites et dont il nous faut nous occuper, avec soin.


Mais là, à l’abri dans cette voiture qui tangue sous les assauts du vent, avec devant les yeux Le Signal et la mer déchaînée, je comprends, c’est nous qui sommes dans la tourmente. C’est nous qu’il faut plaindre.

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