On a d’abord voulu croire à une transition douce. Croire à une ville où l’hydrogène vert coule à flots, où les voitures n’émettent plus que de jolis bruits de vaisseaux spatiaux, et où des nuées de capteurs nous permettent de contrer le bouleversement climatique, d’offrir un logement à peu près à tout le monde et de trouver enfin une place de parking digne de ce nom. Cette croissance verte devait nous permettre de tout changer, sans rien changer à nos modes de vie. Mais désormais, même les plus réfractaires à la lampe à huile n’ont plus que le mot de sobriété à la bouche. C’est une impasse.


Alors on a tout misé sur l’exode urbain. Sortir au plus vite de cette ville coupable de tous les maux, pour retrouver la Nature avec un grand N dans une campagne peuplée de néo-perma-agriculteurs. Mais le parcours de certains — et on leur souhaite heureux — ne peut pas être celui de tous, au risque de construire des villes à la campagne. Encore une impasse. Il va donc nous falloir tracer un autre chemin.


Les enjeux commencent à être clairs et l’objectif à peu près localisé. Nous devons réagir à la triple crise des ressources, de la biodiversité et du climat, tout en évitant de sombrer dans la guerre civile. Le virage est sec. Il doit s’engager vite, mais il prendra du temps. Car le chemin pour atteindre l’objectif est encore incertain. Il est parsemé de renoncements nécessaires qui ne seront peut-être pas si compliqués à faire. Mais nous sommes aussi soumis à des dépendances que nous faisons semblant d’ignorer, dont il sera beaucoup plus difficile de nous détacher.


Mais puisqu’il est aussi vain d’imaginer ne rien changer que de vouloir renoncer à tout, il va falloir apprendre à faire des choix. Faire le tri entre ce que l’on va transformer est ce que l’on doit abandonner. Voitures, projets routiers, piscines, jets privés, maisons secondaires, étalement urbain, chaudières à gaz, aéroports, steaks, week-ends à Ibiza… Tout doit être passé au crible des enjeux du siècle, et nous verrons bien ce qu’il en restera.


C’est tout un savoir-faire que nous devons développer pour mener à bien ces transformations, celui qui nous permettra de comprendre nos attachements comme nos dépendances. De nouvelles compétences doivent aussi émerger, pour fermer proprement ce qui doit l’être. Mais nous avons aussi besoin d’inventer cette recette magique qui nous permettra de passer des mots aux actes. Elle passe nécessairement par un renouvellement du dialogue démocratique et de nouvelle façon de faire la politique, pour établir un partage équitable des efforts et amorcer le mouvement collectif.


C’est peut-être cela la redirection écologique appliquée à la fabrique de la ville. Moins un slogan qu’une volonté assumée de se salir les mains pour mener la transformation concrète de nos territoires, de nos villes et des organisations qui les fabriquent au quotidien. C’est en tout cas à cela que nous nous consacrons désormais, en accompagnant professionnels, décideurs et élus dans leur prise de conscience, l’élaboration d’une vision prospective et le développement de nouvelles compétences pour faire la ville, mais autrement.


— Sylvain Grisot (Twitter / Linkedin)


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