Et si la Smart City n’était que le dernier avatar en date de l’hygiénisme ? Après la ville haussmannienne, le rêve des cités-jardins, les utopies paternalistes, le déferlement des grands ensembles ou l’idéal pavillonnaire, nous avons subi les promesses de flux régulés par l’Intelligence Artificielle, de rues bardées de caméras et de poubelles connectées.


L’urbanisme donne parfois l’impression d’être une suite de vaines tentatives pour mettre la ville au pas. Mais après avoir nourri les conférences et peuplé les salons professionnels, la Smart City semble à son tour s’étioler, sans avoir vraiment dépassé le statut de pépite marketing. Quand on peine encore à faire disparaître l’habitat indigne ou à réguler le stationnement des trottinettes, qui peut encore croire à une vie urbaine complètement régulée ? La Smart City est la somme d’une impasse écologique, d’un idéal de suroptimisation et de la tentation du contrôle social.


La ville ne sera donc pas intelligente, et à défaut d’être bête, elle restera bordélique et inefficace. Quoi de plus complexe et de moins géré qu’une ville ? On se laisse bercer par l’idée que nos autorités locales pilotent ce vaste ensemble, mais à part quelques fondamentaux qui permettent à l’eau de couler dans nos robinets, aux écoles d’ouvrir et aux tramways de rouler, le reste est le fait de millions de décisions individuelles prises dans un fourmillement créatif et malheureux qui est le propre de la densité urbaine.


Mais l’échec marketing de la Smart City ne dit pas que le numérique n’a rien changé à la ville. Notre vie est désormais scandée par le rythme des notifications, éclairée en permanence par les interfaces et orientée par le point bleu rassurant du GPS. Le numérique a changé nos vies, notre rapport à l’espace, notre économie et nécessairement nos villes.


Guillaume Ethier en prend acte, et n’a ni regrets ni nostalgie d’une ville d’avant. Mais en musicien qu’il est, il introduit du bruit dans la bande-son aseptisée de la ville numérique. Pas des sons désagréables, non, mais des irrégularités que seules autorisent les interfaces analogiques. Ces anomalies aux marges de la ville normalisée et optimisée, ont perduré sous les radars des interfaces acérés de la ville numérique. Mais Guillaume Ethier nous invite à les voir enfin, à les assumer et les déployer. Alors sa ville est lente, tangible, imparfaite. Intime parfois. Il nous invite à la parcourir et a explorer ses intuitions, sans chercher à faire modèle. Mais ce sont de ces interstices que naîtront les innovations dont nous avons besoin pour les combats futurs.


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