“Le corps de l’autre”à la Galerie MENNOUR, 5 rue du Pont de Lodi, Paris

du 24 mars au 3 juin 2023


Interview de Christian Alandete, directeur scientifique – Galerie MENNOUR et commissaire de l’exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 28 avril 2023, durée 13’36,

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https://francefineart.com/2023/04/29/3434_le-corps-de-l-autre_galerie-mennour/


Communiqué de presse


Commissaire de l’exposition Christian Alandete


Avec Laure Albin Guillot, Louise Bourgeois, Camille Claudel, Carole Douillard & Babette Mangolte, Leonor Fini, Camille Henrot, Annette Messager, Alice Neel, Orlan, Judit Reigl, Germaine Richier


Avant que les corps féminins n’occupent la majorité des cimaises des musées, le nu masculin prédominait dans l’histoire de l’art jusqu’au XVIIe siècle. Héroïque, athlétique, le corps des hommes incarnait une vision idéalisée d’une histoire écrite par des hommes pour affirmer leur supériorité morale et physique.

Entre le XVIIe et le XIXe siècle, le nu d’après modèle devient un élément déterminant de la formation académique des artistes. Il est même un exercice imposé pour participer à certains salons et y montrer et vendre son travail, excluant de fait les femmes dont l’accès aux ateliers où posent ces modèles est interdit. Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du XXe siècle que des ateliers privés d’abord exclusivement féminins puis mixtes, proposent à leurs étudiantes l’étude du nu : les académies Julian (à partir de 1876), Colarossi (de 1870) ou de la Grande Chaumière (de 1904). Elles offrent une alternative aux Écoles des Beaux-Arts publiques qui restent fermées aux femmes jusqu’en 1900 et les cours de nu sans restriction jusqu’en 1923. L’exercice du nu devient alors un enjeu tant politique qu’économique. Pour que les femmes puissent concourir aux grands prix — notamment au Prix de Rome — à égalité avec leurs homologues masculins, il leur faut présenter un nu. Mais respecter la bienséance impliquait que les modèles gardent leurs caleçons quand ils posaient pour les femmes ce qui disqualifiait celles-ci d’office. L’affaire sera portée jusqu’à la Chambre des députés et les modèles finiront par tomber leurs caleçons devant ces dames.

Pour pallier cet interdit certaines artistes s’étaient enrôlées dans l’atelier des « grands maîtres » et bénéficiaient de leur statut de praticienne pour avoir sous les yeux des modèles leur permettant de travailler à leurs propres créations. Ainsi Camille Claudel peut réaliser dans l’atelier d’Auguste Rodin L’Homme penché alors qu’elle travaille pour lui à La Porte de l’Enfer. Sa représentation d’un homme recroquevillé sur lui-même évoque une certaine fragilité jusque-là écartée des représentations masculines que Rodin reprendra sous une forme d’introspection dans son Penseur, et plus tard, Alice Neel pour représenter son compagnon toxicomane. Des années plus tard, Germaine Richier se mesurera à son tour à Rodin en faisant poser pour son Ogre un Libero Nardone vieillissant, jadis jeune homme fougueux, modèle du célèbre Baiser. À partir du XXe siècle, le corps masculin représenté par les artistes femmes devient l’enjeu d’une remise en question des représentations, des stéréotypes, et un élément de la lutte des sexes. Leonor Fini affirme sa domination féminine en se représentant assise sur le corps d’un homme nu endormi et se plait à jouer de l’ambiguïté des genres en dépeignant ses amants dans un style maniériste, rappelant combien les codes de la masculinité étaient différents à d’autres époques. [...]


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