Nous sommes aujourd’hui avec Claude Gruffat. Pionnier de l’agriculture biologique en France, il a notamment dirigé le réseau Biocoop entre 2004 et 2019. Sous sa présidence, l’enseigne est devenue n°1 du secteur.

 

La rencontre avec Claude Gruffat :

Philibert connait Claude depuis plusieurs années. Ce dernier avait notamment suivi avec beaucoup d’intérêt le développement de la « Maison de Savoie » à Paris, l’épicerie 100% direct producteurs créée par Philibert en 2015. Nous nous sommes retrouvés tous les trois chez Claude Gruffat, dans le 14e arrondissement de Paris.

Dans cet épisode nous revenons sur son parcours, et notamment sa présidence du réseau Biocoop. Nous parlons de la situation précaire des agriculteurs, de l’émergence de la Bio, de l’origine de Biocoop et son développement. Nous nous intéressons aux engagements de Biocoop, son cahier des charges, sa gouvernance et les résultats de cette aventure coopérative hors du commun.

 

Pourquoi la bouffe ?

Claude est fils de paysans. Il est né en Haute-Savoie, où son entourage lui a transmis le respect de la terre et le sens de l’alimentation. Les divergences avec son père le dissuadent cependant de reprendre l’exploitation familiale. Il s’oriente alors vers une autre activité afin de contribuer au développement de l’agriculture d’une autre façon : il devient ainsi conseiller agricole à Blois. Il est alors témoin de la souffrance des paysans. Il est notamment marqué par le nombre grandissant des dossiers des « agriculteurs en difficulté », piégés selon lui par le modèle productiviste.

Au début des années 80, il découvre alors l’agriculture biologique. À l’époque les rendements sont faibles et le modèle économique n’a pas encore fait ses preuves. Mais Claude est attiré par la manière avec laquelle les agriculteurs Bio parlent de la terre et des produits. Il prend très vite conscience des vertus de ce modèle agricole. 

« Là il y a une vérité qui sera un jour la solution. »

Claude rejoint alors une association de consommateurs Bio à Blois, qui s’organisent pour acheter des produits directement chez les producteurs Bio de la région.

 

Parlons Business !

En 1993, pour avoir davantage d’impact et rendre les produits Bio plus accessibles, Claude Gruffat décide d’ouvrir un magasin Bio à Blois. Un an plus tard, il rejoint le réseau Biocoop et s’implique rapidement dans la gestion de la coopérative jusqu’à en devenir président en 2004.

Fondé en 1986 à Annecy, Biocoop est une coopérative engagée qui réunit différents sociétaires : propriétaires des magasins, producteurs, salariés et consommateurs. Son organisation interne est très originale car chaque sociétaire a un droit de vote et participe activement à la vie de la coopérative.

Au début, la demande pour les produits issus de l’agriculture biologique n’était pas celle que l’on connaît aujourd’hui. Les 1ers clients étaient des militants, initiés et convaincus par les bénéfices de ce mode de production.

« Biocoop a vraiment joué un rôle majeur en France pour créer ce mode de consommation que l’on connait aujourd’hui »

Selon Claude Gruffat, au-delà du label Bio, il est très important de comprendre toutes les dimensions derrière le produit, comme le bien-être animal, le bien-être paysan, la distance entre la filière de production et les consommateurs, l’impact carbone, etc. Il s’agit ici de la grande différence entre le bio et la Bio.

« Notre mode de consommation influence de manière lourde notre environnent et l’économie locale. »

« Il faut déserter la distribution généraliste de masse pour aller vers l’économie locale et des systèmes différents de production, transformation et distribution. »

L’utilisation du plastique est par exemple un sujet très important. Sous la présidence de Claude Gruffat, Biocoop a été précurseur en arrêtant la vente de bouteilles d’eau en plastique dès 2017. Il s’agit pourtant du produit le plus vendu en magasin (en volume), mais l’engagement de Biocoop l’a emporté et Claude a réussi à convaincre ses sociétaires.

« Mettre de l’eau dans une bouteille en plastique et la transporter est un contre-sens écologique énorme. »

Le cahier des charges Biocoop est très strict, aussi bien pour référencer un nouveau producteur que pour intégrer un nouveau sociétaire, propriétaire de magasin. Claude nous raconte que Biocoop a exclu une centaine de magasins depuis sa création. La même rigidité s’applique aux candidats qui souhaitent ouvrir des nouveaux magasins : ils sont 1 500 candidats chaque année, pour seulement quelques dizaines d’élus.

Concernant la logistique, Biocoop compte 4 entrepôts en France pour couvrir la totalité du territoire. Tous les magasins se fournissent auprès de ces entrepôts, mais aussi directement auprès de producteurs locaux, qui respectent le cahier des charges Biocoop. Par ailleurs, la coopérative possède sa propre flotte de véhicules et de camions, ce qui avec le temps lui a permis de réduire considérablement les coûts logistiques.

Depuis 2002, Biocoop est une société anonyme coopérative. Ainsi, Biocoop n’a pas comme finalité de générer des bénéfices, à l’inverse d’une entreprise traditionnelle. Cela étant, ses comptes sont à l’équilibre, voire même légèrement excédentaire. En 2018, la coopérative Biocoop SA a généré un chiffre d’affaires direct de plus de 700M€ et un bénéfice de 6M€, soit un résultat faible en comparaison avec les autres acteurs de la grande distribution. Pour Claude Gruffat, cela est un point de différentiation majeur.

« Ce qui fait la différence entre Biocoop et les autres enseignes, c´est la finalité du projet politique qu’il porte. »

Sur le plan personnel, la prochaine étape pour Claude Gruffat est le parlement européen. Il a en effet été élu au printemps dernier député européen sur la liste Europe Ecologie Les Verts (EELV). Il siègera après le Brexit. Il compte prolonger désormais son combat sur le terrain politique (et cela fera sûrement l’objet d’un prochain podcast !).

 

Biocoop en chiffres :Création en 1986600 magasins en 20194 entrepôts en FranceChiffre d’affaires de l’ensemble des magasins (2018) : 1,2Md€Chiffre d’affaires de la coopérative Biocoop SA (2018) : 712M€Bénéfice de la coopérative Biocoop SA (2018) : 6M€Chiffre d’affaires moyen par magasin (2018) : 2,3M€1 500 candidatures/an pour l’ouverture de nouveaux magasinsPlus d’information dans le rapport annuel 2018

 

Les enjeux pour la suite ?

Pour Biocoop, la priorité est l’ouverture de nouveaux magasins dans des plus petites villes en France. En parallèle, la coopérative devra développer des filières d’approvisionnement plus régionales et locales afin de poursuivre sa mission et fournir ses magasins en produits bio et locaux, issus d’un mode de production durable et de qualité.

 « Il faut que Biocoop garde son influence.»

Pour Claude Gruffat, l’essentiel est de changer le modèle agricole actuel, subventionné et tourné vers l’exportation, qui détruit l’agriculture locale. Selon lui, le changement passe par la politique mais aussi par les consommateurs :

« Il faut que les citoyens y croient : ils peuvent changer le monde avec leur mode de consommation ! »

 

Les bons plans de Claude Gruffat :

Livre : Les dessous de l´alimentation bio (Claude Gruffat)
Livre : Le guide terre vivante des légumineuses (Claude Aubert)

 

Nous avons aussi parlé de :Yuka l´appli qui permet aux consommateurs de scanner leur alimentationDe l’épisode avec Christophe Audoin, Directeur Général des 2 Vaches.De l’épisode avec Nicolas Bergerault, fondateur de l’Atelier des Chefs.

 

Pour contacter Claude Gruffat :

https://www.linkedin.com/in/claude-gruffat-5a080414b/

 

Plus d’infos sur Biocoop :

https://www.biocoop.fr/